Le discours plein de non-dits et d’ambiguïtés sur le transfert du pouvoir d’État à une nouvelle génération en 2020. (Alassane Ouattara)

Écris par , date août 10, 2018

Le chef de l’État, Alassane Ouattara, a prononcé, le lundi 6 août 2018, un discours plein de non-dits et d’ambiguïtés sur la question relative au transfert du pouvoir d’État à une nouvelle génération en 2020.

Son invitation, pour le moins persistante, aux hommes politiques de sa génération, à faire la passe aux jeunes, a quelque chose de surprenant. De quelle nouvelle génération parle le chef de l’État ? Daniel Kablan Duncan, Jean-Louis Billon, Thierry Tanoh, Katinan Koné, Pascal Affi N’Guessan, Kouadio Konan Bertin, Albert Mabri Toikeusse, Charles Koffi Diby, Jeannot-Ahoussou Kouadio ou alors parle-t-il des personnes issues de sa filiation ou de sa descendance politique du Rdr, dont Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko ou encore Guillaume Soro, Téné Birahima Ouattara ? Alassane Ouattara n’a donné aucun profil… Le discours du chef de l’État pèche largement par ses non-dits. Le président Ouattara a interpellé la classe politique ivoirienne se positionnant en moralisateur sans toutefois dire si oui ou non, il sera candidat en 2020. « Je voudrais en appeler à la responsabilité de la classe politique, afin que le débat politique soit apaisé. Je l’ai déjà indiqué, tous ceux qui souhaitent être candidat à l’élection présidentielle de 2020 pourront l’être, conformément aux dispositions de la Constitution de la troisième République (…) », a dit le chef de l’État.

C’est ici qu’apparaît la première contradiction. Si le président du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp unifié) admet que tout « le monde peut être candidat, conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution », d’où vient alors son penchant en faveur d’une nouvelle génération ? Pourquoi donne-t-il le sentiment de vouloir barrer la route à une catégorie de candidats ?

Pour de nombreux Ivoiriens, le discours du chef de l’État aurait été bien audible s’il avait clairement dit qu’il passerait le témoin, lui-même, à la tête de l’État en 2020. Or, le flou et l’ambiguïté continuent d’être entretenus sur sa position en 2020. Alassane Ouattara a également semblé tenir peu compte du contexte politique actuel, notamment au niveau du Pdci et du Fpi… « Au moment où la Côte d’Ivoire célèbre ses 58 ans d’indépendance, je veux réaffirmer ma foi en la jeunesse et ma conviction dans le renouvellement des générations. Comme je l’ai déjà souligné, nous devons travailler pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération, de manière démocratique, en 2020. Notre pays est riche d’hommes et de femmes, jeunes, compétents, qui ont reçu une formation de qualité, qui ont appris à nos côtés comme nous avons appris aux côtés de nos aînés. N’ayons pas peur de passer le témoin. Faisons confiance à nos jeunes, tout comme nos aînés nous ont accordé leur confiance », a encore plaidé le chef de l’État. Qui, dans l’esprit de Ouattara « a peur de passer le témoin » ? Fait-il allusion à Bédié dont la candidature est sur toutes les lèvres au Pdci-Rda ?

Peuple souverain

Pourquoi le président de la République ne veut-il pas laisser les mains libres au peuple souverain de se choisir, démocratiquement, son président de la République, fut-il un grabataire ? Le chef de l’État semble oublier que la nouvelle Constitution a fait sauter le verrou de la limitation d’âge, donnant ainsi la possibilité à toute personne de plus de 75 ans désormais, de briguer la magistrature suprême.

Pour de nombreux Ivoiriens, Alassane Ouattara est en train de mettre dans la tête des électeurs, qu’ils doivent écarter Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Francis Wodié, Tia Koné ou encore Sangaré Abou Drahamene, Simone Gbagbo, Bamba Moriferé… Et pourtant, les seuls juges, ce sont les populations qui, au moyen de leurs bulletins de vote, peuvent élire la personne qui, à leurs yeux, est apte à les gouverner.

Il faut le dire tout net. Si Alassane Ouattara, au nom de la volonté de la réconciliation nationale, s’est assuré un franc succès auprès de ses farouches adversaires politiques, par l’ordonnance d’amnistie qu’il a prise à la surprise générale en faveur des prisonniers de la crise post-électorale de 2010-2011, et a gagné en prestige dans la communauté internationale, son discours, sur la question spécifique de l’alternance en 2020, lui, n’a pas nécessairement gagné en clarté. On ne comprend pas pourquoi il insiste sur la nécessité de passer le témoin aux jeunes, alors que lui-même ne s’engage pas dans ce sens… « C’est lui qui doit donner l’exemple en décidant de passer le témoin en 2020 après ses deux mandats », peste J.K Kouamé. Globalement, des Ivoiriens ont du mal à saisir la démarche du chef de l’État et la caractéristique fondamentale de sa pression sur les autres hommes politiques de sa génération, à quitter la scène politique. Cette stratégie porte en elle les germes d’une crise générationnelle ouverte d’abord, entre les jeunes eux-mêmes et ensuite, entre les jeunes et les « vieux ». Or, il serait politiquement logique de laisser à la démocratie le droit de s’exprimer librement à travers le peuple…

Pour certains analystes, le chef de l’État Alassane Ouattara n’aurait pas l’intention de brouiller voire d’opposer Henri Konan Bédié aux jeunes cadres de son parti, qu’il s’y pendrait autrement. « Je ferai tout pour que le Rhdp continue de gagner pour permettre de transférer le pouvoir à une nouvelle génération. Les générations se renouvellent. La France a aujourd’hui un président qui a 40 ans, cela donne à réfléchir. Le Premier ministre d’Autriche à 31 ans, le Premier ministre de Belgique a 38 ans. Nous devons travailler, le président Bédié et moi, main dans la main, pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération en 2020 », avait martelé Alassane Ouattara lors de l’Assemblée générale (Ag) constitutive du Rhdp-unifié.

Quoi qu’il en soit, le discours du 6 août 2018 a l’avantage de fixer une ambition pour la Côte d’Ivoire, mais l’inconvénient est qu’il peut être source de conflit à court terme. Car, le volontarisme affiché par le chef de l’État en faveur de la nouvelle « génération », est de peser dans le processus de désignation du futur chef de l’État ivoirien. On lui prête les intentions de vouloir organiser l’espace politique ivoirien après son éventuel départ du Palais présidentiel. Ce qui gêne et fâche énormément de nombreux Ivoiriens.

 

lebabi.net

Source: AbidjanTv

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